Petite histoire de nos 2 saints martyrs
Nous sommes en 287 ou 288 de notre ère.
La Gaule, la Bretagne sont occupées par les romains.
Rome vénère plusieurs dieux et voit d’un très mauvais œil le christianisme se développer sur son territoire. Mes persécutions se multiplient et l’évêque de Nantes Saint Similien a trouvé refuge à la campagne.
Un jeune homme du nom de Donatien, noble d’extraction, plus illustre encore par sa foi entreprend de maintenir et propager la Foi. Avec son frère Rogatien son ainé, ils avaient vraisemblablement de 20 à 30 ans.
Donatien parait en public, comme un très fort champion, sans crainte aucune, sa bouche lui sert de trompette pour faire résonner le glorieux triomphe de Jésus Christ. Il ne veut pas enfouir le talent qui lui a été confié et, il s’empresse de jeter dans les cœurs des païens les semences de la sainte foi.
Avant son initiation, Donatien était vertueux, maintenant il paraît apôtre. Son ambition est de gagner à la vérité ses compagnons. Partout se répand la réputation du saint jeune homme.
Rogatien, l’aîné des deux frères, est catéchumène. C’est-à-dire qu’il n’est pas encore baptisé.
Un flatteur dénonce Donatien et Rogatien et ils sont arrêtés. D’après l’accusation, les deux frères ont déjà exercé un vibrant apostolat, puisque les dieux romains étaient tombés dans le mépris. Le succès de la prédication de Donatien et de Rogatien apparaîtra mieux encore, pendant l’interrogatoire du président qui l’interroge :
« Donatien, la rumeur publique nous a renseigné à votre sujet. Non seulement vous refusez obstinément d’adorer Jupiter et Apollon, qui nous ont donné la vie à notre naissance et nous la conservent maintenant encore, mais, qui plus est, par vos outrages et vos blasphèmes, vous les couvrez d’infamie et vous provoquez leur fureur. Vos prédications vaines en ont, déjà contraint plusieurs parmi le peuple à croire en la mort du Crucifié pour être sauvés. »
Le président connaissait-il particulièrement les deux frères? En deux circonstances, le président nous est montré « saisi de douleur ». Cette émotion ne modifie d’ailleurs en rien sa conduite.
Trois chefs d’accusation sont formulés contre Donatien :
- il refuse d’adorer Jupiter et Apollon
- il fait plus, il les tourne en dérision
- il se fait l’apôtre du crucifié et force un certain nombre de gens à croire en lui.
Le président n’apprécie pas d’ailleurs les trois accusations formulées contre Donatien. Il veut croire que l’on a exagéré les faits. Un simple démenti de la part du prévenu suffirait à désarmer la justice. Ce démenti on l’attend, mais en vain.
Donatien déclare : « Vous venez de dire vous-même la vérité malgré vous : Je voudrais réduire tout ce peuple séduit d’erreur au culte de Celui auquel seul convient que toutes choses obéissent. »
Le Président lui dit : « Renoncez à vos prédications superflues, sinon vous nous obligerez à mettre une fin prématurée à votre existence. »
Donatien répondit : « Les menaces que vous m’adressez retomberont sur vous ; et le piège dont vous voulez m’envelopper vous saisira, car, sous l’influence de vos préjugés, vous préférez les ténèbres à la lumière, et par suite vous n’apercevez point la lumière du Christ. »
Le président est saisi de fureur des paroles du saint ; il commande qu’il soit mis sous bonne garde en prison, les fers aux pieds afin que la violente rigueur des tourments brise la foi et la constance du martyr ou empêche que les autres qui l’entendaient ne croient en Jésus-Christ.
L’enquête sur Donatien est terminée.
Mais celui-ci a un complice. Le dénonciateur a mentionné le nom de son frère aîné, Rogatien. Il comparaît à son tour devant le président. La scène se passe, comme pour Donatien. Mais, le président a déjà eu le temps de prendre des renseignements.
Il n’ignore point que ce second accusé est tout au plus catéchumène et il espère le trouver moins endurci, plus accessible aux caresses et à la flatterie. Plus habile, le président varie sa méthode. Il se fait, caressant, charmeur, d’une souplesse engageante. Le président commence son interrogatoire sous la douceur d’une feinte amitié, afin qu’il y coule plus aisément le venin de sa méchante persuasion.
« J’entends, Rogatien, que vous voulez inconsidérément vous retirer du culte des dieux qui ont daigné vous élargir le don précieux de la vie et conférer plusieurs grâces d’une exubérante sagesse… vous commencez à être insensé préférant les choses nouvelles. Mais parce que vous n’êtes pas encore infecté de je ne sais quel baptême, vous recevrez le pardon des dieux : voire encore plus, que puissiez, avec le commerce de la vie acquérir l’accroissement de dignités au palais des empereurs et dans la cour des dieux. »
Le discours du Président se résume ainsi : « A quoi bon vous entêter?
1° Vous allez, pour plaire à un dieu d’importation récente déplaire à tous les autres.
2° Vous n’êtes même pas disciple de votre Dieu, puisque vous n’êtes pas baptisé. Donc vous ne serez pas sauvé
Rogatien répondit : « Un méchant ne peut promettre que de méchantes choses. Vous, vous promettez en premier lieu la faveur des Empereurs, après vient celle des dieux ! Mais comment ose-t-on placer dans le sanctuaire de la divinité pour y être adorés ceux que les hommes eux-mêmes estiment être de rang secondaire ? Tenez ! Entre vos dieux et vous il y a communauté de misères. Eux, ils sont sourds parce qu’ils sont de métal, vous, vous l’êtes aussi parce que vous ne voulez pas entendre la voix de la vertu. Ils défaillent d’esprit, et vous manquez de sens. Celui qui met sa religion dans les pierres se rend semblable à ce qu’il adore. »
A ces mots le président ordonne aux gardes: « Qu’on jette en prison cet insensé avec son docteur de folie. Demain le glaive vengeur punira publiquement l’injure faite à nos dieux et à nos princes ».
Donatien et Rogatien sont donc enfermés tous deux, dans la même prison. Voici, de quelle façon se passe cette nuit de préparation au martyre.
Or, le bienheureux Rogatien s’affligeait que la persécution ne lui eût pas laissé le temps de recevoir la grâce du baptême. Néanmoins, dans la simplicité de sa foi, il s’était persuadé que s’il pouvait mériter un baiser de son frère catholique, ce Baiser serait efficace sur son âme, comme l’eût été le bain sacré du baptême. Quand le bienheureux Donatien connut ce désir, il adressa pour son frère cette prière au Seigneur :
« Seigneur Jésus-Christ, près de qui les vœux du cœur tiennent lieu des œuvres mêmes, en sorte que l’intention remplace l’action quand celle-ci devient impossible ; vous qui nous avez permis de concevoir des désirs, et vous êtes réservé le pouvoir de les réaliser; faites que la foi pure de votre serviteur Rogatien lui tienne lieu de baptême : et s’il arrive que demain nous mourions par le glaive, que l’effusion de son sang lui soit comme le sacrement du chrême. »
Ainsi, le cœur et la voix de Donatien s’épanchent dans la prière. Les deux frères prolongent leurs veilles durant toute la nuit. Le lendemain, avec le retour de la lumière, ils sont prêts à recevoir les supplices des bourreaux et les récompenses du Seigneur.
Inspiré de l’ouvrage de l’abbé Delanoue – 1904